dimanche 1 juillet 2012

Photos





extraits vidéo

désolés pour la qualité de l'image...


Photos







            


Photos de  Claude Muller
www.travellingpresse.fr

ils en parlent



                                                                                                                                                                     
Lorsque la comédienne Line Wiblé apparaît, seule dans la lumière, impossible de ne pas être happé par sa présence lunaire. Elle se lance sans filet dans le vide, funambule solitaire, prête à en découdre avec la famille Martin. Alors, réplique après réplique, les personnages émergent de la scène presque nue et prennent vie sous nos yeux. Une comédienne pour cinq personnages : la mère, le père et leurs trois filles.

Coup de téléphone… Affolement… Hôpital… Le réveillon a mal tourné. Entre catastrophe et banalité, les membres de cette famille depuis bien longtemps éclatée se retrouvent, se parlent et se racontent un peu. La mère, alcoolique appliquée et méthodique, le père complètement dépassé et les trois soeurs si différentes, mais tellement sœurs. Les souvenirs affleurent, pleins de reproches, d'incompréhensions mais aussi d'amour et de tendresse.

C'est une famille comme bien d'autres, à rire et à pleurer.

De sa plume nerveuse et sensible, Bernard Falconnet nous rend ces personnages immédiats et vivants. Ils sont malmenés par la vie et le temps, mais pas défaits car l'humour et la poésie veillent sur eux. Dans 2-3… grammes, la grâce jaillit parfois au détour du quotidien, à travers une liste de courses, une définition de mots croisés ou lorsque le père se prend à déclamer des vers de Paul Verlaine. On contemple alors avec délectation la splendeur fragile des choses simples.



Extrait du programme de l’Espace Malraux - Chambéry

Extrait de texte

Editions L’Act Mem à Chambéry (2009)
de Bernard Falconnet

Le Père : Elles m’ont dit : c’est pas la peine que tu viennes et elles m’ont laissé là.
Quel jour on est ? Qu’est-ce que ça change quel jour on est ? Je sais pas ils se ressemblent tous. Le mercredi et le dimanche, le 2 juin et le 8 novembre. L’autre jour ils m’ont dit : on est le 5 juin, il neigeait, alors…
J’ai pas toujours été comme ça, ah non, j’étais mieux avant. Ma femme aussi. On était mieux avant. C’était mieux avant. Elle s’est mise à boire tôt. Jamais su pourquoi, elle avait tout ce qu’elle voulait. Parfois il faudrait faire preuve de discernement avec l’alcool. Moi j’étais jeune, j’étais… vert, sportif. Et musicien, je me rappelle. Je jouais dans la fanfare municipale, de l’hélicon. J’avais choisi l’hélicon. C’est gros un hélicon. Je me disais, comme ça, je pourrai me cacher derrière.
En fait ça marchait pas bien. Quand il y a un hélicon dans une formation tout le monde regarde l’hélicon. Et à tous les coups ça excite la curiosité. Les gens veulent savoir qui il y a derrière. Ils veulent connaître la tête de l’hélicon. J’étais devenu, à mon corps défendant, la star de la fanfare. D’ailleurs mes camarades m’appelaient la star, ou Starhélicon. Ça me faisait penser à Fellini.
Ma femme, elle, m’appelait Staralacon. L’hélicon ça ressemble au soubassophone, vous voyez ? Ça se porte comme ça. Vous le passez là, sur l’épaule, comme un sac à dos, et là, devant, ça ferait le tour. Bon, là ça passerait pas parce qu’il y a la chaise. Ensuite vous avez là les pistons, les pistons et puis l’embouchure, pour souffler. Et puis là le pavillon, il est plus haut, mais… avant j’avais pas cette raideur, ça c’est un accident de voiture coup du lapin, et puis après j’ai pété un anévrisme. Ils ont dit il y aura des séquelles, ben y’en a pas trop. On se tient.
Je me souviens pas bien ce que j’ai fait ce matin mais on se tient.

                                                                                                                                                                

« La mère, le père, trois filles. Un repas de Noël, une dinde, la vie à avaler. La mère à boire.
A tomber, à se couper, à saigner.
Hôpital, sirène, angoisse, parole. Chacun(e) a sa chose à dire.
Sa pelote de mots à dévider.
Les petites scènes s’épanchent de la plaie.
Ca suppure, ça suppose, ça pontifie, ça s’expose.
La liste des courses côtoie la course après le rien, la comptabilité des extases, la mémoire des morts. Les dominos des vérités se télescopent, se touchent maladroitement. Ce qui s’écoule s’écroule un peu, pour finir. Et produit un léger bruit de verre brisé.
A cet éclat si familier, nos oreilles universelles acquiescent. Cette musique fraternelle, cette collusion entre catastrophe et banalité.
Ecrire comme ça, ce n’est pas (seulement) du jeu. C’est un art du mélange, clin d’œil à l’œnologie et leçon de vie ordinaire.
Bernard Falconnet a élaboré un cru subtil. Cruauté fine, science maîtrisée du trop-plein familial. Note d’humour en fin de bouche.
A la vôtre. »

Danielle Maurel
Quatrième de couverture